BIOGRAPHIE

Faiseuse de listes, de textes, de châteaux de sable, d’emmerdes et gravisseuse de montagnes en tout genre.

Rose, c’est La liste, un titre désormais classique de la chanson française ; c’est Ciao Bella, Larmes à paillettes … et près de 80 chansons. C’est une voix unique, une auteure-compositeure-interprète de 5 albums, vendus à plus de 800 000 exemplaires. Un double disque de platine, deux disques d’or et le Globe de cristal de la Meilleure Interprète féminine (2008).

Ancienne institutrice, c’est d’une rupture que se libère le désir de faire partager ses mots. Un univers poétique, grinçant, obscur parfois. Quand on l’écoute on a l’impression de s’entendre penser, mais en mieux. Rose a le courage de se livrer dans ses chansons sans jamais être impudique. Rose est une contradiction, un bordel adorable. Ses textes lui ressemblent, ce qu’elle ne sait pas dire, elle le chante.

Elle écrit pour elle, mais aussi pour les autres : Patricia Kaas, Tina Arena, Jenifer, Louis Bertignac, Amel Bent, Hollydays, Julie Zénatti, Martin Rappeneau… autant de personnalités qui ont eu besoin de sa sensibilité pour exprimer la leur.

Niçoise flamboyante, Keren alias Rose, débutait en 2006 en dressant La liste de ses envies inassouvies. Depuis, ses albums successifs, « Rose » (2006), « Les Souvenirs sous ma frange » (2009), « Et puis juin » (2011) et enfin « Pink Lady » (2015) n’ont cessé d’égrener les aléas d’une vie de mélancolie, une voix et une maturité de plus en plus affirmées. Puis, elle a vécu un peu à l’écart du métier, jusqu’à le remettre en question, elle allait de plus en plus mal et beaucoup l’ignoraient.

En 2019, elle dévoile dans son premier livre, « Kérosène », et l’album du même nom, l’enfer du décor de ces années de notoriété. Keren raconte Rose pour la première fois et y avoue sa toxicomanie, sa détresse face à la vie ; un aveu au public et à sa famille qui fait que rien ne serait plus comme avant. Mais ce livre est surtout le témoin de la force qu’elle a su trouver pour surmonter ces épreuves. Les comment et les pourquoi, armée de psychologues, de psychiatres, d’addictologues, de médecines parallèles…

En 2022, elle publie un second livre, « Les montagnes roses », le journal de son combat contre le cancer du sein, diagnostiqué l’année précédente. De cette nouvelle épreuve, Rose sort grandie : elle transforme encore une lutte personnelle en un message universel qui accompagne chacun à vivre toute l’instabilité des hauts et des bas vécus par l’être humain face aux épreuves.

Elle grandit au sein des groupes Narcotiques Anonymes, se forge un corps et un psychisme plus solide en se formant au yoga et à l’ayurveda, la respiration et la méditation devenant ses armes de construction massive. Et c’est le début de sa quête de sens. Elle recontextualise tout. L’argent, l’amour, la famille. La vie, et la mort. Tout devient évidence, elle est plus lucide, clairvoyante devant les épreuves qu’il lui reste à vivre.

Rose porte un message d’abandon, d’acceptation, qui fait du bien à entendre. Si avec ses chansons, elle recevait déjà de nombreux témoignages de gens portés par ses mots, ses deux livres ont intensifié une volonté de partage au sein de son public mais aussi de tous ceux qui se reconnaissaient dans ces épreuves.

Ainsi, Rose donne naissance à plusieurs projets, dont un qui lui tient particulièrement à cœur : pour aider les dépendants mais aussi leur proches, une cause qui est devenue son principal objectif, elle crée « Contre-Addictions », le podcast pour les gens qui se donnent du mal pour aller bien. Elle y invite anonymes et personnalités, du Professeur Karila, aux auteurs tels que Frédéric Beigbeder, Romain Dian, ou Flora Nicol, en passant par Elodie Frégé, JoeyStarr ou Carla Bruni : tous viennent lui confier leurs défaillances, mais aussi et surtout leurs solutions.

Rose côtoie la dépendance, sur le fil, toujours prête à flancher avec ceux qui en parlent. Elle a acquis cette force de penser que tout ce qui lui arrive est une opportunité.  Elle a eu plusieurs vies, mais a dû aussi mourir quelques fois pour ça… Elle sait de quoi est fait l’être humain, de contradictions, de souffrances et de sursauts de bonheur. Et elle en parle mieux que personne.

Aujourd’hui, Rose anime des débats et conférences sur ces sujets, vient de publier son troisième livre « Contre-Addictions » aux Éditions Eyrolles, se produit sur scène régulièrement et prépare son sixième album.

Il  semblerait qu’elle nous revienne l’âme insouciante, en fête, elle  s’enivre sur une musique up-tempo, ses cheveux s’emmêlent, ses yeux bleu  nuit visent la boule à facettes au plafond. C’est Larmes à paillettes, le premier single de KEROSENE, le cinquième album de Rose.

Il semblerait, seulement, puisque le texte décrit au contraire une âme en pleurs – comme les chansons qui suivront. KEROSENE  en contient treize, chacune correspondant à un chapitre de  l’autobiographie qu’elle publie au même moment. Un disque et un livre  éponymes, faux jumeaux, qui racontent de quel abîme a réchappé leur  auteur, la Niçoise flamboyante, Keren alias Rose, qui débutait en 2006  en dressant La Liste de ses envies inassouvies. Depuis,  sa guitare en arpèges n’a cessé d’égrener les aléas d’une vie de  mélancolie, ce sentiment mouvant, gênant comme un pull à même la peau,  et qui pique.

Ses albums successifs, « Rose » (2006), « Les Souvenirs sous ma frange » (2009), « Et puis juin » (2011) et enfin « Pink Lady  » (2015) dévoilaient un passé saumâtre et un présent toujours nébuleux.  Allait-elle se résoudre à poser sur cette persistance vaseuse le mot  fatalité ? Rose ou l’épopée d’une femme qui aspire en théorie au bonheur  simple et équilibré dans lequel elle a grandi. En théorie, car rien n’y  fait. De là à dire qu’elle le fuit, ce bonheur… Tant pis pour elle,  tant mieux pour nous : de ces souffrances sont nées de puissantes  ballades.

Ces dernières années, elle a vécu à l’écart du métier jusqu’à le  remettre en question, elle allait de plus en plus mal et nous  l’ignorions. KEROSENE revient sur Les Années diaboliques, celles qui ont « cogné aux portes des vices/ont sonné la fin des Cantiques  ». Elles la poussaient à poursuivre ses déambulations jusqu’au lever du  soleil, après une nuit de plus sous le signe de chaos. Au  petit-déjeuner, elle commandait souvent Une bière, un croissant : « Je  pourrais rentrer chez moi, tant que le jour est encore timide/ Mais mon  instinct de subir est trop fort, il faut que je m’inflige encore. » À défaut du mythique grand amour qu’elle ne sait ni choisir ni retenir, elle collectionne des amants de fortune. « Il y avait cette crainte de n’être aimée toujours/Que noyaient les étreintes mais que ravivait le jour » (L’Horizon grand). Elle a conscience de leur faire peur : « Si je m’étais croisée, j’aurais pris la tangente » (Les Hommes). Ainsi la chanteuse achève les quarante premières années de sa vie « effacée », à « faire de la figuration à s’en défigurer », à « se désaltérer tant jusqu’à s’en altérer » (Pourquoi pas). Elle appelle au secours (Recueille-moi), cherche sans les trouver Les Issues de ce corps. Elle finit dans une Chambre simple, « Les yeux dans le vide, les heures insipides ». On est en HP.

Voici ce que dévoilent KEROSENE, le disque, le  livre, l’un en vers et l’autre en prose. Solidaires pour faire tomber  mine de rien quelques tabous : l’alcoolisme, la drogue et le sexe au  féminin.

Vient enfin le moment où Rose se sent plus qu’épuisée, mise en danger  par son double frénétique, maléfique, qui l’a poussée dehors toutes les  nuits, à fréquenter l’infréquentable, boire un dernier verre, tracer  des lignes blanches à l’infini, s’abandonner dans des lits de hasard. Se  parlant à elle-même, Rose s’invite à « découvrir la vie qu’il te reste » (Sans ivresse). Et puis, elle s’est dit : « Allons voir si j’arrose un peu trop ma vie juste pour de la prose », chante-t-elle. Et puis elle s’est dit : « Pourquoi pas être heureuse/pourquoi pas être Rose ? » (Pourquoi pas). Elle trouve le repos dans la respiration, la méditation.

La chanteuse ouvre une page Word, et s’essaie au piano pour la  première fois. Elle fait alors la rencontre du pianiste Romain  Berrodier, et tout deviendra évident : l’amour, la complicité, la  création. Leurs cultures musicales s’ajoutent et se complètent. Sans  doute lui doit-on les accents de France Gall chantant Michel Berger que  l’on entend souvent. Le réalisateur Régis Ceccarelli (Henri Salvador, Alain Souchon, Abd Al  Malik) saura mettre la couleur qu’il faut sur les humeurs de chaque  chanson, de chaque chapitre. Il réussit l’exploit d’unifier les titres de KEROSENE, qui n’est pas homogène puisque la vie de Rose, elle, ne  l’est pas. Il ajoutera parfois des cordes au piano pour sublimer toute  l’émotion contenue dans cet album, celui d’une renaissance. Aujourd’hui, pour elle tout (re)commence : « Il faut s’asseoir un  moment pour réaliser que de toute façon on ne tient plus debout que  machinalement, artificiellement, frénétiquement. On ne tient plus debout  que mensongèrement » (L’inconnue c’est moi). La  pulsion de vie salvatrice vient notamment de la chambre du fond où un  petit garçon, le sien, fait des rêves en couleurs. C’est pour lui  qu’elle fait tous ces « pas qui ne mènent pas à Rome » (Si ce n’était pour toi),  ces grandes enjambées vers la réconciliation. Mais c’est pour nous  qu’elle enregistre ces chansons, sans doute les plus belles, les plus  touchantes, les plus profondes de son existence cabossée.

Rose est de retour, et c’est Keren qui la raconte. Rose/Keren : voici KEROSENE.

En nous donnant rendez-vous, Rose a dit « vous ne me reconnaîtrez pas, j’ai pris dix ans depuis dix ans ». C’était soit plein d’autodérision, soit bourré d’humilité. En fait, c’était les deux. Rose n’a pas bougé, même acier dans le regard, même allure de jeune fille, même vérité dans le rire. Pourtant, elle n’a pas vraiment tort. Il y a quelque chose de changé chez la chanteuse qui, à 27 ans, nous entêtait avec La liste, en boucle dans les oreilles, en stéréo dans la tête et celle qui nous entraîne dans son nouvel album Pink Lady. Une touche plus rock, un air plus grave. Ce rose-là n’est pas pastel, il est profond. En quelques années, elle a détourné la couleur.

Il faut dire qu’entre temps, Rose a appris à se connaître. Assidûment, vraiment, « un mardi par semaine ». Si ce disque-là n’a pas été une thérapie, il s’est fait tout autour d’elle. Cette démarche, elle la déroule pour nous, sur quelques titres. Pour laisser cet Avant derrière, abandonner ces moments où Atone – vrai pivot de l’opus – elle se laissait vivre des passages à vide toujours plus denses, toujours plus longs, elle se penche sur elle, se décortique. C’est contre-nature, ça fait souffrir, et un jour, vient la révélation, ce sentiment d’en avoir fini avec elle. À la psy, elle dira, Je ne viendrai pas demain. À croire qu’à 27 ans, on fait des listes et qu’à 37, on a les clés.

Par moment, en l’écoutant, on dirait que même sa voix a mûri : un timbre un brin plus rauque, un ton plus éraillé qui se casse légèrement mais ne brise pas. Si on osait jouer sur le terrain de ses jeux de mots, on dirait qu’elle a trouvé la voix de sa maturité.

Bien sûr, elle garde quelques bribes de contrôle et de mélancolie, ses moteurs. Comme nous, elle compte toujours les jours, les calories, les clopes, l’argent qu’il lui faudrait pour vivre sans compter, les voyages qu’elle ne fait pas. Je compte c’est La liste qui aurait traversé les années. Les mots défilent en rythme, mieux écrits, plus bas, moins chantés. Elle y est moins midinette qui ne vit que pour l’amour. Cette facette obscure, c’est plus fort qu’elle. Ça tombe bien : ses imperfections, ses inconstances, la rendent plus vraie. Pour le comprendre, il suffit d’écouter Pour être deux qu’elle chante en duo avec Jean-Louis Murat. En lisant le titre – et connaissant Rose– on pouvait s’attendre à une mélodie du bonheur rêvé en couple. Non, elle a mal en tandem. Elle dévoile – presque dans un cri – l’idée inavouable que l’on peut être aussi amoureuse qu’égoïste : Je fais jamais assez de place pour tes douleurs en face. Elle a bien trop à faire avec ses misères, mais elle apprend, comme nous. Cette ambivalence, se retrouve partout chez elle. Sous des airs doux, notre Pink lady n’a rien de mielleux. Ce titre – le premier de tous – elle l’a écrit un soir de réveillon, seule au bar d’un hôtel, où elle s’est isolée le temps de trouver l’inspiration. Elle observe, So long island qu’elle n’a pas écrit. Elle s’obstine, dans sa tête c’est Bloody Mary. Se lance enfin et crée Pink Lady.

En même temps, sur la route dégagée de cet album, comme une évidence, elle rencontre le réalisateur Pierre Jaconelli (réalisateur, guitariste, et arrangeur de Benjamin Biolay, Zazie, Pascal Obispo, ou encore Johnny Hallyday…) qui habille les titres, qu’elle a tous écrits. Elle s’ouvre pour la première fois à un échange musical dense, avec des amis artistes et compositeurs tels que Medi, Loane, Auden ou Laurent Lamarca. Avec eux, elle renforce sa manière de travailler et cesse de se demander « jusqu’où va aller ma chance ? ». Rose la saisit.

Elle ne s’excuse plus de n’être bonne qu’à ça ou d’avoir une vie comme les autres. Viser l’absolu, chercher le fantasme dans le bonheur, elle sait faire. Mais trouver que l’idéal peut être normal, le quotidien sans très grands hauts et bas très bas, elle découvre. Elle regarde l’amour bancal en face, nomme les échecs par leur nom et s’en libère du même coup. D’ailleurs, celle qui chantait beaucoup son monde dans ses précédents albums (la séparation, le sombre con, le grand-père, la famille) s’aventure à raconter des histoires qui ne sont pas les siennes. Elle écrit sur les autres : la lâcheté de l’homme qui abandonne son foyer dans Maman est en bad ou de celui qui n’a jamais osé poursuivre ses rêves dans Partie Remise.

A l’écouter, on se dit qu’un jour elle écrira des nouvelles, comme elle a nourri cet album, sans noircir des pages parce qu’il le fallait. Avec la même intelligence sociale, les mêmes phrases saillantes qui font que chacun s’y reconnait. Rose sait être dedans et dehors, c’est sa force. Elle Twitte, Instagramme, Facebooke (verbe du 1er groupe) et mais ne manque pas de lucidité et de distance quand elle en parle dans son très actuel Je de société.

Rose, c’est l’histoire idéale d’une fille qui mettait des « si » partout et qui maintenant dit « en vrai » tout le temps. Finies, les prophéties. Aujourd’hui elle transforme ce qu’elle a toujours eu entre les mains : « C’est comme si j’avais de nouvelles cartes alors qu’en vrai c’est le même jeu », confie-t-elle au moment de se quitter. C’est sans doute pour ça que cet album est le plus abouti de tous.

Rose, cette voix rocailleuse qui chante comme d’autres savent aimer, qui chante la vie, les sanglots, les rires qui durent, les matins tourmentés et les nuits révolues. Rose, elle chante les heures qui passent. Les miennes, les siennes et toutes les vôtres.

De son premier album écrit sous le coup d’une rupture douloureuse et d’un retour à la vie, de ses chansons légères comme « La liste » cet inventaire à la Prévert, mêlées à celles plus mordantes, souvenez vous de la superbe « Ciao Bella » , nous retenons un univers bien à elle, un mélange de chanson française aux intonations folk, de nombreux « tubes » et cette nouvelle « petite » chanteuse qui mettait un pied dans la cour des grands.

Elle aime ça chanter, être sur scène, danser, chanter encore. Elle aime le public, parcourir la France à bord de son bus qui abrite les nuits de tournées, les rêves capiteux des sortir de gala, les volutes de ses musiciens et la fatigue des techniciens. Elle s’engouffre dans cet univers masculin sans se délester pourtant de cette fragilité exacerbée, de ses émotions de femme, de ses envies à elle, rien qu’à elle et de ses peurs qui la dévorent.

Elle apprend la notoriété, s’en fout mais l’adore pourtant. Rose est une contradiction, un bordel adorable. Ses textes lui ressemblent, ce qu’elle ne sait pas dire, elle le chante.

Après une autre rupture qui ressemble toujours à la précédente, elle rentre en studio. Nous sommes en septembre, Rose, la fille de l’automne pose sa voix sur ses textes plus déchirés que ceux du premier. Cet album comme un aveu d’une vie qui ne lui suffit pas se démarque du précédent. Toujours cette voix mais pas la même chanteuse. Elle grandit Rose. Elle traverse les tempêtes et les emporte avec elle en studio. Elle attend l’accalmie mais en attendant elle chante et repart sur les routes égrener les salles de provinces qui ne se vident jamais. Elle ne respire plus, elle est en apnée, elle attend l’accalmie ou elle espère la brûlure d’une passion, elle même ne sait pas. Indécise.

Les heures passent, avec elles les jours et les mois. Rose se relève, regarde le monde, regarde même tout près d’elle. Elle trouve l’amour, le vrai, celui qui rassure, celui qui nous dit que tout ira bien. Elle lutte un instant puis elle y croit. Elle se laisse faire. Elle enlace son homme qui lui répond plus doucement encore. Il tiendra toutes ses promesses et Rose deviendra maman. Le troisième album est en marche. Tout change, tout se transforme, tout devient normal dans le désordre des choses. Rose chante l’acceptation. Elle est vivante. Donc elle aime, elle pleure aussi mais elle vivante.

Elle rentre en studio, toujours à l’automne. Elle a écrit et composé chacun des titres de cet album. Elle assume et ose. Revendique même. « Et puis Juin », est grave et pourtant léger. Il raconte une femme parmi tant d’autres. Il la raconte, elle qui nous chante. Rose accepte sa vie de mère et d’épouse autant qu’elle tolère les démons qui l’habitent toujours. Elle se connaît aujourd’hui, elle bataille encore mais non plus contre des moulins à vents. Ses plus beaux assauts comme ses plus doux répits cohabitent désormais. Rose devient femme et c’est naturellement qu’elle prend la plume et la guitare. Elle a donc écrit chacun des mots de cet album, chacune de ses notes ou presque… Elle a composé « Je me manque » avec Loane, Loane dont les mélodies poignantes mêlent intelligemment des sonorités d’hier à la Françoise Hardy, ou Véronique Samson à celles de la pop actuelle. Séverin participe, lui, à l’écriture de la musique du titre « Et puis juin », et lui offre la pétillante « Mon homme ». Séverin ou le Daho des années 2010, l’homme de l’ombre de Camélia Jordana, Liza Manili, ou de Cléa Vincent, pour qui il sera tantôt réalisateur, tantôt compositeur, tantôt les deux.

Ces collaborations démontrent Sa volonté farouche de rester proche de ses racines, à savoir la chanson française. Rose n’a rien pris aux autres, elle se donne, elle, entièrement et c’est superbe.

Cet opus éclectique lui ressemble, il ne rentre pas dans les cases.

Certains morceaux ont un fatalisme et une poésie à la Souchon, comme « Aux éclats je ris », (« …On a la vie jolie, ça s’fait pas de l’ouvrir, c’est vraiment pas poli…« ) ou « Jamais Paris de me laisse » (« …Son absence et ses abysses, les abîmes des abbesses…« ) , alors que d’autres, « Comme si c’était demain » ou « Les pieds dans le bonheur » ont la sincérité déchirante de Renaud, (« La fille de tout à l’heure, moi aussi elle me fait peur, mais t’sais quoi ? Elle n’en fait qu’à son cœur » , ou encore, parlant du bonheur, « il me ferait presque aimer les dimanches« ).

Elle s’inspire de ceux qu’elle aime mais personne ne l’influence.

Je pourrais tenter de vous raconter Rose davantage. Il faudrait que je vous dise, en catimini, l’acharnée qu’elle est. Je vous raconterais la musique qui sonne différemment quand c’est elle qui l’accompagne, quand c’est elle qui la chante et qui la danse. Il faudrait que vous sachiez son parcours qui ne ressemble à aucun autre. Aucune concession. Elle ne lâche rien et n’abandonne jamais. Il faudrait que vous sachiez aussi sa démesure, de celle qui fait les grands artistes, à la marge toujours. Elle cherche, tâtonne, piétine, elle trouve enfin et nous donne « Je me manque« , puis elle trébuche se relève et nous livre « Mais ça va« , qu’elle écrit d’une ligne. Toutes ces petites histoires banales rassemblées racontent l’histoire semblable à tant d’autres et pourtant gigantesque de cet album pépite. J’essayerais mais les mots me manqueraient. En vérité il faudrait que vous l’écoutiez avant que je puisse vous dire.

Pauline Delpech

Quand Rose m’a demandé d’écrire sa bio, j’ai été flatté et puis j’ai refusé.

Parce que c’est difficile d’écrire sur une fille qui parle aussi bien d’elle et de nous tous. J’ai refusé pour éviter de tenter la belle phrase et d’être rattrapé et plaqué au sol par ses textes d’une évidence et d’une précision incroyable. Elle a cette audace du mot juste sans chercher l’artifice.

Et c’est peut-être pour ça, quand on l’écoute on a parfois l’impression de s’entendre penser, mais en mieux.

Je me suis défilé parce que je suis nul en dates et que je suis incapable de classer des événements dans un ordre chronologique. Et dans une bio il faut donner des informations.

A part la musique, elle a fait pas mal de choses. Dans le désordre et rapidement : institutrice, du droit, est allée en Israël , s’est mariée mais pas longtemps, a écrit des chansons depuis l’âge de 8 ans, son vrai prénom c’est Keren, a réussi à déchiffrer seule l’intégralité de la chanson « Si j’étais un homme » de Diane Tell, elle a une meilleure droite que Mike Tyson, elle fait une crise de la quarantaine à 30 ans, elle a enterré des bijoux de sa mère quand elle était petite dans une boite en carton mais ne se souvient plus où.

Et puis il y a eu, son premier disque, « Rose » et ce premier disque : c’était Keren avec ses chansons sous le bras qui découvrait le monde de la musique.

A la sortie de l’album, elle s’émerveillait que 200 personnes achètent son disque chaque semaine. Et puis quelque temps plus tard plus de 500 000 personnes sont allées chez leur disquaire, ont délicatement pris ses chansons dans un bac et sont passées devant la caissière qu’elles n’ont pas manqué de saluer et sont rentrées chez elles pour l’écouter.

Très vite un tube « La liste » et un autre « Ciao Bella » et des concerts, beaucoup de concerts. Elle est devenue Rose. Et Rose sait ce qu’elle veut.

Alors cette fois pour ces « Souvenirs sous ma frange », c’est elle qui va se mettre en musique. Elle a pris une guitare électrique et a écrit treize chansons avec à l’arrivée, un disque qui s’écoute et qu’on ne saurait interrompre dès qu’on a entendu le premier accord.

Il s’ouvre sur « Comment c’était déjà », et tout de suite, même si elle a grandi, on sait pourquoi on aime Rose. Ce dimanche matin, cette maison, ce petit rayon de soleil, ce sourire, si on ne les a pas vécus, on en a forcément rêvé. Et ces « souvenirs auxquels on tient » ce sont presque les miens.

Je n’écrirai pas cette bio et puis c’est tout.

Parce que Rose a écrit « Yes we did ». Cette chanson qui commence comme un petit carnet de bord doux amer de l’année 2008, finit comme un hymne sur les bêtises que l’on a faîtes et que l’on ferait mieux d’assumer. Vous allez entendre longtemps résonner ces « LalaLaLaLa« .

De plus, la jeune fille n’a pas seulement des chansons, elle a trouvé un son. Elle a finalement partagé ses compositions avec deux garçons Thibault et Jérôme d’un groupe appelé 1973. Tous les trois ils ont su distiller des arrangements d’une richesse incroyable, de l’épuré « Hannah » au dixieland de « Ma corde au clou », des violons et des chœurs, chaque mélodie donnera envie au public de s’arracher les cheveux pour choisir un morceau (Encore une fois je suggère l’écoute intégrale du disque).

Et enfin je n’écrirai pas sa bio, parce que, quand j’écoute ses chansons, j’ai l’impression d’entendre la fille qui est en moi. Et elle me plait beaucoup. Parce que Rose a le courage de se livrer dans ses chansons sans jamais être impudique.

Et surtout parce qu’il y a des filles comme ça, on a l’impression que le soleil n’éclaire qu’elle et si elle en doute vous m’aiderez à le lui rappeler.

A great album. Yes she did.

Thierry Teston

Elle se pose là, comme une évidence, comme si elle avait toujours existé.

Rose a vingt huit ans. En a passé vingt sept et demi à chercher sa voix et à présent, sur douze titres qui sonnent comme des poésies, elle nous raconte des chansons, fredonne des histoires.

« Depuis toujours », aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle écrit, sur de petits carnets Moleskine, et gratte des couplets qu’elle pose ensuite sur sa guitare.

Elle a su se faire attendre, la jolie niçoise aux yeux bleu gris. Pas sûre d’être assez douée pour monter sur scène, pas sûre non plus que sa simple estrade d’institutrice lui suffirait, c’est d’une rupture que se libère le désir de faire partager ses mots. Rose nous parle d’amour et de ses deux pendants, espoir et désillusion, avec une simplicité attachante.

Un univers drôle, grinçant, obscur parfois. Fidèle au personnage, finalement. Rose aime Janis Joplin et Bob Dylan. De Janis, elle a la folie passagère et le titre du film de Mark Rydell dont elle a fait son nom de scène. De Bob, la poésie, sur fond de guitare folk et d’harmonica.

Si Rose peut écrire des chansons, en quelques heures, et des rimes aussi belles et légères que « Si je me brise aussi souvent pour une bise un mauvais vent« , c’est tout sauf un hasard. Une histoire de moment, de maturation.

Et le temps s’accélère. Souchon, séduit par sa fraîcheur et son élégance l’a invitée, elle, Martine (sa guitare), et ses bottes country, à l’Olympia pour une première scène, qui en annonce d’autres, fameuses. On a connu des débuts plus difficiles.

Mais la jolie Rose semble avoir un ange gardien, celui qui au-dessus de (son) front, tire les ficelles, de (ses) rêves. Sûr que là haut, au-delà des étoiles, il est fier, son grand-père.

Lionel Abbo